Champion Dakar 2012 - sans assistance- la fantastique aventure de STEPHANE.

Dakar Rallye-Raid

Tout le monde devrait lire le récit de ce grand champion du Dakar 2012, Stéphane Hamard qui a réalisé ce parcours d’enfer « sans assistance » suspens garanti : « surtout qu’il fait une chaleur étouffante……….une succession de whoops interminables…….je déchire le carénage………. qu’une tempête de sable arrive……. avec une « douche de poussière collante » …… La soudure est fissurée……. des cris de désespoir de mécaniques………. Après 5 tentatives……, je titube comme un mec bourré !....... « coup de raquette » violent….. à 4750 mètres à -10°c………. trop tard 2 gros cailloux dans la saignée……… et je suis « vissé à bloc » pour ne rien lâcher….. c’est carrément mieux qu’Hollywood !...... de trial indoor (!!) Bing, gamelle,……… l’eau qui effleure la selle….. gaz en grand…… On est paumé !!...... style enduro très agréables mais dangereuses…. d’herbe à chameaux entre les ergs…… la ferveur populaire…….. Je suis comblé, et fier d’avoir vaincu…… » Bravo Stéphane,

Etape 1 : Mar Del Plata – Santa Rosa / 820 km

05h45 Départ pour la première liaison de ce Dakar 2012 ! Et déjà un premier bonheur, celui de retrouver la « communion » des concurrents avec les fêtards de la St Sylvestre, et ils sont visiblement très nombreux à Mar Del Plata ! Tout au long de la sortie de la ville, les 2 mondes se croisent : ceux qui ont fait la fête toute la nuit viennent faire une haie d’honneur à la caravane du Dakar, dans la pure tradition des départs du Trocadéro…. , première séquence émotion !
Une première liaison de 143 kms permet de tout jauger et contrôler si tout est en place. Je n’en reviens toujours pas, la foule est toujours aussi dense sur le bord de la route.
Rendez-vous en bord de mer pour le premier départ du secteur chronométré de 57 kms. Il s’agit d’une enfilade de pistes sablonneuses, sinueuses et ondulées en bord de falaise, au pied de l’Océan Atlantique. Puis descente sur la plage, et là, je ne résiste pas, je vois devant moi des pilotes « à doubler » ! Et malgré que je suis conscient d’être un peu en rodage, je ne peux m’empêcher de « jauger » ; Impressionnante, elle prend des tours et de la vitesse à n’en plus finir cette petite KTM !!! J’ai véritablement fait le bon choix, elle dépasse à l’aise les 3 ou 4 pilotes qui « vissent » sur ce bout de « Touquet ». Mais calmos, je coupe vite, il ne faudrait quand même pas tout casser bêtement. Retour sur des chemins assez étroits mais très rapides, et aussi très poussiéreux, qui rendent les dépassements difficiles. Les 57 kms sont vite avalés, et on attaque direct les 620 kms de liaison pour rejoindre le premier bivouac à Santa Rosa.
Aussitôt arrivé, je repère le « camion TOTAL », appelé aussi le « camion des malles » qui transporte nos affaires mais aussi un paquet de palettes pour la logistique rallye.
Je monte ma tente, organise mes affaires et passe à l’entretien de la moto : vidange + filtre à huile, contrôles de serrage en tout genre, et inspection visuelle. Rien de spécial à signaler, je vais manger et vite me coucher, il est déjà 23 heures.

Image

Etape 2 : Santa Rosa – San Rafaël / 782 kms

03h30, le réveil est un peu difficile mais il va falloir s’y habituer ! Une première liaison de 403 kms va me permettre de me réveiller ! La spéciale est très intéressante, avec des changements de direction rapides et il faut être vigilant sur la navigation. La moto réagit bien, et je commence à vraiment bien la connaître au niveau des suspensions. Attention à ne pas prendre de risques inutiles car les concurrents « nerveux » sont encore nombreux et les risques de sortie de piste évidents sur ce terrain très glissant et avec toute la poussière que soulève ces pistes en terre très sèche. Neutralisation de 10mn et ravitaillement essence au km 140 de la spéciale. Je remplis uniquement le réservoir arrière de 18 litres pour finir les 155 kms de spéciale, ça devrait aller largement, car je fais attention de ne pas trop me charger pour attaquer les dunes de fin de parcours.
Et effectivement, on rentre direct dans le (très) vif du sujet : après une reprise de pistes piégeuses et glissantes, nous arrivons dans des enfilades de pistes au sable très mou qui peut vous freiner d’un coup ! Assez surprenant. Puis on s’enfonce dans des montées et descentes de plus en plus prononcées, les dunes arrivent… Le sable est de couleur gris-noir, très difficile à « analyser », surtout qu’il fait une chaleur étouffante. C’est bientôt une succession de dunes à franchir et le sable super chaud rend les trajectoires très …. aléatoires. Je ne vous compte pas les chutes, sans gravité évidemment dans ce sable omniprésent, mais il faut rester très vigilant sur l’hydratation car il fait vraiment très chaud. Le franchissement pose des problèmes et je continue avec calme, en essayant de contourner au maximum les grosses dunes car la moto souffre beaucoup. Ca me rallonge mais si je reste concentré sur mes caps, j’évite un peu les trajectoires déjà défoncées par la petite centaine de concurrents déjà passés. Déjà bien entamé physiquement, les 30 derniers kilomètres sont une succession de whoops interminables sur des pistes de sable alternant les zones molles et très dures ! Bref, ça casse les organismes. Je ne m’éparpille pas et réussit à rejoindre l’arrivée mais déjà, je sens que ça va laisser des traces…
Une petite liaison sur goudron de 84 kms pour rejoindre la petite cité de San Rafaël, perdue au milieu d’un milieu hostile et très aride.
Je suis sur le bivouac bien dans les temps pour faire ma révision de jour et m’organiser au mieux pour anticiper les étapes à venir ; Les galères de concurrents commencent déjà fort, le Dakar n'est jamais facile !

Image

Etape 3 : San Rafaël - San Juan / 561 kms

Ce matin, encore un réveil matinal puisque je me lève à 04h30, mais tout va bien. On commence par une liaison de 291 kms sur le goudron, puis départ 2 par 2 pour une spéciale de 270 kms. Il faut faire très attention aux caps, car on « navigue » dans le lit des rivières. Impossible de « couper » d’un rio à l’autre donc hyper gaffe à la navigation, sinon on a vite fait de se retrouver loin, car une fois qu’on est parti dedans, difficile de repérer des notes sur le road-book. Le pilotage est très très technique, les gros cailloux alternants avec les crevasses et trous en tous genres. Toute la journée, c’est de la pierre, parfois en secteur trialisant ; Il faut faire très attention à ne pas mettre ses roues n’importe où car les jantes vont subir grave aujourd’hui. Le but du jeu est de garder suffisamment de vitesse pour ne pas trop se ruiner physiquement et enchaîner les passages sans se déconcentrer. De mon côté, ça ne se passe pas trop mal et en fin d’étape, je vois plusieurs motos arrêtées, en difficulté sur des « zones » inondées suite à de gros orages dans la région cette semaine. Il faut faire très attention car les pneus changent complètement de comportement entre le sec et le mouillé, surtout avec les bib rallye qui ont vite fait de vous « jeter » sur un angle de caillou mal visualisé. Les pierres mouillées et super piégeuses alternent avec des passages de sable profond et fatiguant. Les kilomètres ne défilent pas vite, et il faut s’accrocher pour ne pas céder à la lassitude des mêmes difficultés répétées. Le problème, c’est apparemment que l’angoisse est communicative ( !) car en voyant un groupe de 5 motos arrêtées sur un passage étroit, très technique et rendu très glissant par un cours d’eau, je me bloque avec eux sur un secteur que j’aurais dû passer avec de la vitesse. Je tente le franchissement « à l’arrêt » mais l’arrière se dérobe et je tombe à 2 à l’heure sur le côté droit. M…, ça devait passer sans problème mais les mecs arrêtés m’ont fait douter ! En plus, dans ces gros cailloux en vrac, je déchire le carénage mais ça devrait aller. Gaffe car sur une petite chute comme ça, un doigt coincé ou autre peuvent vous faire abandonner direct ! Juste de l’énergie gaspillée mais bon, je repars rapidement, et laisse les autres à l’agonie dans ce secteur. Ca va, je suis plutôt en forme et dans ces conditions difficiles, je me sens « monter en puissance », plutôt bon signe. On a traversé des canyons de toute beauté tout au long de la journée, mais j’avoue que les difficultés ont gommé mon plaisir de contemplation !! « En venir à bout », voilà plutôt ce que je ressassais !
En fin d’étape, on attaque des super montées et descentes sans adhérence dans des collines. Super chaud par endroit, il ne faut pas lâcher l’élan car le précipice vous avale !! C’est dans ces entrecoupements de pistes que je me perds : alors que je suis bien calé sur un Waypoint à passer, le road-book ne correspond plus du tout…. Surtout rester bien calme, mais à 20 kms de l’arrivée, en pensant aux autres qui rejoignent l’arrivée plein gaz, c’est le genre de truc qui met les nerfs à rude épreuve (et c’est le but de l’orga !!), et il ne faut surtout pas se désunir. Je croise des motos dans tous les sens, et je rejoins même une piste que j’ai déjà passée ! Damned, je tourne en rond, calmos et analyse…. Ok, je vois mon pote Dimas le Brésilien partir sur une piste oblique à 180°, j’ai peur de comprendre ; En fait, j’ai pris le waypoint à l’envers et c’est pour ça que je ne reconnais plus le road-book ! Malgré le temps perdu, je me dis que j’ai un eu de chance car j’étais perdu « avant », sans le savoir, et je suis quand même content d’avoir « ramassé » ce waypoint un peu au hasard, sinon, c’est 20 mn de pénalités…
Arrivée « à fond », content de sortir de ce dédale de pièges.
En arrivant au camion malles, bonne surprise, Luc Alphand vient me chercher pour me proposer un direct avec Gérard Holtz sur l’émission Bivouac. Super, je pourrai faire parler de La Réunion, et on commente ensemble l’étape du jour sur France Télévisions, juste avant qu’une tempête de sable arrive, ce qui va nous compliquer la nuit ; Mais bon, en plein désert, ce n’est pas une surprise.
En faisant ma mécanique ce soir, je démonte le carénage avant pour aller le faire réparer par LOCTITE qui saura me le réparer avec ses produits « miracle ». Grosse frayeur, je découvre alors que le choc s’est fait précisément au niveau du bouchon de radiateur, et que la collerette est tordue. Zut, grosse angoisse car comme vous le savez, chaque minute est comptée pour moi le soir. La soudure est fissurée, je ne peux pas continuer comme ça, le radiateur va fuir quand il va monter en pression. Je vais voir mon ami Franck Helbert chez YAMAHA que je sais équipé d’un poste à souder l’aluminium. Le temps de le trouver dans ce bivouac de 3500 personnes, lui exposer le truc, négocier l’affaire ; il refuse de s’y risquer car on n’a pas assez de matière à ce niveau, c’est risquer de tout fondre. Et le temps qui passe, et la nuit qui est déjà tombée, faut pas tergiverser trop longtemps…. Je vais revoir LOCTITE qui va me proposer de colmater la fissure avec une pâte à carter. Bon ok, on essaie et on teste. Ils sont quand même super sympas, et une heure après (ils sont déjà pas mal sollicités de toute part !!), je fais monter ma KTM en température pour voir, ça a l’air de tenir, mais je ne suis pas vraiment rassuré, il faudra voir ça en pleine condition demain… Et c’est sûr, ça va chauffer sur les pistes, le thermomètre est monté aujourd’hui jusqu’à 45°c ! Avec tout ça, il est minuit trente passé quand je rentre dans ma tente…


Image

Etape 4 : San Juan – Chilecito / 750 kms

Encore un réveil à pas d’heure pour une liaison de 270 kms. La spéciale est très simple à résumer, il s’agit de pistes de sable entrecoupées de petites dunes. Une concentration permanente pour une étape qui demande des bras ! La moto bouge beaucoup dans ces pistes de sable profond, avec de longues sections de fesh-fesh. Lorsque l’on rentre dans ces sections, c’est un peu l’angoisse car on ne sait jamais ce qu’il y a de caché dedans, dans votre trajectoire choisie, (en général des gros cailloux « immergés »). Il faut absolument garder de la vitesse pour ne pas « planter » la moto dans cette espèce de « farine de sable » ; Si la vitesse n’est pas suffisante, la moto part de travers et c’est la chute assurée, avec une « douche de poussière collante » en règle ! Dans une portion, je tombe sur un quad immobilisé tellement c’est profond ; Impossible de passer, je monte sur le talus pour essayer de trouver une autre solution un peu moins catastrophe, c’est un peu la loterie. Le problème, c’est que lorsque je viens reprendre la piste, elle est si encaissée qu’il est impossible de rattraper la trajectoire sans se planter un minimum…. Je descends donc à l’arrêt pour limiter les dégâts et retrouve l’équilibre dans une ornière encaissée. C’est au moment où je me remets en ligne péniblement tant l’équilibre est précaire dans ces conditions, prêt à remettre gaz, que le quad en question arrive en trombe de son plantage, avec la « ferme intention » de se sortir à tout prix de son « enfer ». Pas de sentiment, il passe en force là où visiblement « la largeur du passage ne correspond pas à l’addition de nos largeurs de véhicule »(!!). Sa roue arrière droite vient m’écraser la botte gauche qui se coince sur le repose-pied. Il est passé sans ménagement. Je hurle de douleur tellement le choc est spontané et violent. J’attends un peu, je vérifie…. Vraiment solide ces bottes ACERBIS, mais bon, une attache a cédé quand même. Vu l’état, le pied à l’intérieur est au moins préservé d’une fracture mais je pense que j’aurai encore « un autre souvenir sur mon corps »...
Avec la chaleur ambiante et ce terrain qui « bouffe » de la puissance, il faut penser à économiser la moto. Je surveille en permanence mon bouchon de radiateur, apparemment, ça suinte légèrement mais ça tient. Finalement, malgré les traversées hasardeuses de rios, je ne me perds pas et finis la journée avec la satisfaction d’en avoir avalé une de plus !!
Le soir au bivouac, petite mission de plus que d’habitude, je m’aperçois d’une fuite d’huile au niveau du repose-pied gauche. J’analyse vite qu’il s’agit du joint spi de sortie boite qui fuit. Heureusement, j’ai les pièces dans ma malle, mais ça va encore me bouffer un peu de temps de sommeil…


Image

Etape 5 : Chilecito – Fiambala / 416 kms

Cette étape est annoncée comme étant très difficile, les dunes de Fiambala ayant laissé une très mauvaise impression aux concurrents de l’année dernière…
Après une liaison de 150 kms, on arrive au départ de cette spéciale de 265 kms. Un changement du déroulement de la journée a été décidé : en raison des pluies torrentielles de ces derniers jours, l’étape sera raccourcie et l’arrivée jugée au CP2, au kilomètre 195.
Départ sous un soleil de plomb, il faudra faire attention à la gestion de la machine et du pilote.
Ca commence déjà fort sur une succession de petites dunes avec des crêtes parfois bien piégeuses. L’effort et l’attention devront être permanents. Sur une plateau un peu surélevé, nous arrivons sur un danger 3 (sur une échelle de 4) qui signale une grande dépression pour plonger dans un rio ; Malheureusement, je suis un peu trop long et je ne peux emprunter la trajectoire de la majorité des pilotes. Je vois déjà 3 motos couchées en bas de cette dune et constate une descente effectivement bien raide qui contraste avec un sol dur en bas, ce qui fait que le passage descente / contact au sol est violent et difficile à maîtriser. Je ne peux plus faire demi-tour car ma moto est déjà engagée dans la cassure. Je décide de tenter la descente d’où je suis, tout en travers pour éviter la prise de vitesse. Et…. comme une fleur, je garde une vitesse minimale pour ne pas m’enfoncer et planter, mais pas trop pour négocier cette difficulté avec brio, je suis tout content de me retrouver en bas sans chute, j’enquille, heureux d’en laisser plusieurs derrière moi…
S’en suit une succession de rios avec changements de directions permanents, mais dans un décor de sable mêlé de petits cailloux. La température est presque insupportable, et j’essaie d’économiser la mécanique, mais les passages sont vraiment difficiles, avec une section de pistes très étroites qui sillonnent au fond de falaises, dans un sable mou et « remué » par la grosse soixantaine de concurrents devant moi. Je croise pas mal de motos coincées, j’ai l’impression que les mécaniques sont au bord de la rupture (et peut-être les pilotes aussi !). Le bruit des moteurs en sur-régime pour s’extraire de ces pièges au milieu des falaises très encaissées résonne comme des cris de désespoir de mécaniques qui ont déjà tout donné !!....
Après moi aussi pas mal de plantages, j’arrive sur un endroit avec des falaises qui ont laissé place à un talus d’environ 3 mètres de haut, toujours avec cette piste de sable mou très étroite. Comme un Italien que je vois pousser en faisant hurler son moteur, je décide de « grimper » sur la berge pour essayer de trouver un sol plus porteur, et surtout s’aérer un peu. Le problème est que le sable est très mou partout et il faut trouver assez d’élan pour monter de travers le talus. Après 5 tentatives, me voilà sur les contreforts du rio, sur un sol plus porteur. Je suis au milieu d’une végétation parfois dense en hors piste et avance en longeant les irrégularités du rio. On se retrouve à 3 motos avec cette même idée, mais on se sépare, on se retrouve un peu plus loin, mais ça n’avance pas fort... Le problème, c’est que les repères sont presque imperceptibles. Je comprends vite qu’on est entrain de « jardiner » (dans notre jargon, ça signifie qu’on est perdu, et qu’on tourne un peu pour retrouver la bonne piste). A un moment, je me retrouve derrière la RIEJU d’un Italien, on roule en se frayant une trace improbable parmi les petits arbustes, quand je vois surgir des flammes au niveau de sa jambe gauche. Stupeur, en l’espace de quelques secondes, je force pour le rejoindre et lui signaler mais il a vite vu et a jeté sa moto et s’éloigne comme il peut. Je m’éloigne aussi et la moto s’enflamme en un instant ; C’est la stupeur. Tout crame très vite, une grande fumée noire monte dans le ciel. Je donne l’alerte au PC Paris par mon bouton rouge sur l’iritrack et 5 secondes après, j’ai quelqu’un en ligne à qui je précise la situation. J’attends un peu avec le pilote et moins de 5 minutes plus tard, on voit arriver un hélico qui vient le récupérer. Je le laisse alors et continue mon « chemin de croix » en direction de la provenance de l’hélico, je me dis qu’il doit bien venir d’un point de l’itinéraire à récupérer, mais j’évalue à environ 15 kms dans cette végétation dense, dur dur. Pas plus de 3 minutes plus tard, je sens un point chaud sur ma cheville gauche, dingue, je vois des flammes au niveau de mon coude d’échappement. C’est un peu la panique, le cœur monte d’un coup dans le rouge, je cale le moteur, je saute de la moto en la maintenant de la main gauche et je concentre toute mon énergie à attraper du sable par terre pour étouffer les flammes !! Ca a l’air de marcher, mais ça reprend dans la seconde qui suit, je racle la terre et continue mon opération asphyxie du feu… plus de flammes, je crois que j’ai échappé au pire ! Je suis dans un état…. J’ai vécu un moment très fort… et très chaud !! Je comprends alors qu’en hors piste, des brindilles se sont accumulées entre le sabot et le coude d’échappement en titane - ultra chaud puisque la température extérieure est étouffante mais aussi parce que je roule au ralenti dans cet hors piste, - qui les a embrasé. Je stoppe un moment, je laisse refroidir la mécanique et nettoie alors tout le sabot. J’ai eu vraiment peur. Mon réservoir d’eau dans le sabot a commencé à fondre. Je reprends mes esprit,…et ma progression ; Il me faut retrouver de la lucidité pour comprendre comment rattraper la bonne piste. Je reprends mon road-book et analyse que je suis parti trop à droite. En revenant sur un cap 300, je retrouve au loin un grand rio qui me semble être une bonne option. Au bout de 15 mn, j’arrive à proximité, et vois une puis deux fumées de poussière, super, je suis sauvé. Le problème, c’est d’atteindre le lit du rio car les parois sont plutôt du genre 2 mètres de haut. Ok, je repère un endroit plutôt favorable, je mets la moto sur béquille et je vais affaler le rebord pour me faire une rampe d’accès ; Je casse le rebord avec mes bottes, je monte et descend à pied 10 fois en écroulant un maximum de terre avec mes pieds et mes mains pour me faire une pente accessible. Je retourne chercher ma moto, descends dans le lit du rio, et voilà, je me retrouve « parmi les miens », soulagé. Je me remets petit à petit dans le rythme et essaie de recaler un prochain repère sur le road-book pour savoir où j’en suis. A ce moment là, je me fais « déboîter » par Franz VERHOVEN, le n°15. Pouf, c’est un peu rassurant, je ne suis pas le seul « à la rue », cette étape va faire de gros écarts. A la fin de ce rio, j’arrive sur le CP, impeccable, ça me permet de me recaler au plus juste. Ouf, enfin impeccable….d’après mon road-book et le calage kilométrique que je fais, j’évalue mon « jardinage » à près d’une heure de perdue…Mais bon, c’aurait pu être plus grave.
Ensuite, on attaque une piste caillouteuse très technique, à flanc de montagne, et c’est vraiment un régal de pilotage ; c’est exactement le type de terrain que j’affectionne, des freinages limites, avec des pièges de terrains effondrés dans des courbes ou cuvettes, des courbes tout en glisse à l’accélération, je prends un plaisir fou.
A la fin de cette séance de franchissements de cols, on revient sur du plus ennuyeux, du hors-piste dans un sable noir et parfois très piègeux avec des cailloux parsemés… Un peu usant.
A environ 30 kms de l’arrivée, on traverse un plateau en hors piste et j’apprécie mal une grosse compression, sanction immédiate : « coup de raquette » violent, l’arrière rebondit et m’envoie par-dessus le guidon ! Comme je suis surpris, je subis complètement avec surprise et j’ai l’impression de passer dans une essoreuse. Fin des cabrioles, j’ai mal partout mais apparemment, rien de cassé. Ouf, j’ai eu chaud. Je me relève mais je suis groggy, j’ai reçu direct le choc sur le casque, je titube comme un mec bourré ! Je vois ma moto à 10 mètres mais je ne sais plus dans quel sens on est. Pouf, je me mets à genoux et prends un peu de temps pour aspirer le camel bag, ça tourne et sonne dans le crâne. En tous les cas, mon collier cervical a été primordial (…) sur ce coup-là. J’angoisse en allant relever la moto, comment elle va ? Ouf, gros coup de bol, l’instrumentation de bord n’a pas bougée. Incroyable même. Chance inouïe car sur une chute comme ça, il est typique de retrouver tout le poste de pilotage complètement vrillé, et du coup, mécanique tardive assurée pour tout réparer. Et là, miracle, rien, juste la ligne d’échappement qui à bien reçu. Je n’en reviens pas, elle a dû rebondir de la roue avant et faire un front flip pour toucher le sol sur le côté droit. Je suis super chanceux, c’est un vrai joker !! J’essaie de repartir au plus vite pour ne pas laisser monter les douleurs etc, mais je sens que je suis un peu touché aux côtes droites et au genou gauche, mais bon, ça roule correct et je sens que je n’ai rien de compromettant. Je rejoins l’arrivée tant bien que mal mais les courbatures vont arriver !!
Ce soir, au moment de faire la mécanique, c’est séance direct sur l’émission Bivouac consacrée au « team sans assistance ». Gaël ROBIC vient nous interviewer et je lui explique les malles, notre organisation auprès du camion TOTAL, nos galères etc. L’ambiance est très sympa.
Ensuite, direction l’antenne médicale où le toujours très disponible Gouram gère une équipe impressionnant de « réparateurs de corps » ! Mon pote Jean-Luc me fait un cataplasme sur le genou gauche plutôt mal en point, et me propose même un massage salvateur !!
Pas le temps de trop s’attarder, il faut manger vite et dormir.

Image

Etape 6 : Fiambala – Copiapo / 641 km

Hier soir au briefing, Etienne Lavigne nous a expliqué qu’en raison de fortes tombées de neige à la frontière Argentino-Chilienne, les douaniers ont fermé le poste frontalier. Ils ont relevé -17°c. Du coup, le départ est retardé, suspendu aux décisions des autorités, et le secteur chronométré ne pourra finalement pas se faire à cause du retard accumulé. Nous ferons donc les 641 kms tout en liaison.
Heureusement que j’ai prévu des vêtements chauds car vous connaissez, on passe du niveau de la mer à +20°c, au col situé à 4750 mètres à -10°c en quelques kilomètres. Nous traversons des paysages somptueux et les passages à travers les cols enneigés donnent des images particulières du Dakar 2012.
Hier soir tard, j’ai « fabriqué » des protège mains étendus en cartons et avec des sous-vêtements chauds, une cagoule sous le casque et ma veste et pantalon anti-pluie ACERBIS, je suis au top, même pas froid !
Le parcours est quand même fastidieux et la piste au niveau de la frontière un peu dangereuse.
Content d’être arrivé au Chili, la page Argentine est tournée sans gros dommages.


Etape 7 : Copiapo – Copiapo / 573 km

« Radio bivouac » annonce cette étape comme une « super corsée » ! Il s’agit du gros défi de la première semaine, d’une boucle de 200 kms pleine de dunes monstrueuses, séparée en 2 secteurs chronométrés, avec une neutralisation de 1h10 au milieu pour nous permettre de faire les 90 kms de piste. C’est avec un peu d’appréhension que je prends le départ ce matin. D’autant plus que je dors mal : si mon genou semble ok (ce n’est qu’un gros hématome qui n’a pas trop d’incidence), mes côtes me font souffrir, et c’est un calvaire de se tourner la nuit tellement la douleur est intense ; Sur la moto, ce n’est pas trop gênant mais dès que je mets le pied à terre, « ça douille » !
Le premier secteur est assez rapide, et même très rapide ! Personne ne veut rien lâcher, et forcément, je ne laisse pas ma place ! Je compte même 6 dépassements, toujours un peu limite dans ces portions de pistes super rapides et empierrées. Je dois même vous avouer que j’ai fait un joker sur cette portion : sur une compression, je vois trop tard 2 gros cailloux dans la saignée, l’arrière me jette de travers, j’anticipe l’atterrissage en allant dans le sens de la moto, et par bonheur, elle rebondit 2 fois dans le bon sens et garde le cap; Bref, un peu de bol, ou alors super châssis, mais en tous les cas, ça allait trop vite sur ce coup, trop occupé à viser l’éclaircie de poussière du mec devant, et bien sûr, j’ai négligé les notes qui indiquaient un danger 2. Je serre les dents et rattrape quelques motos sur une éclaircie de poussière. Fin de spéciale, très bon bilan, j’ai encore grappillé quelques places, je finis dans la roue du Brésilien Dimas qui est parti environ 6 minutes devant moi ce matin.
Ravitaillement essence au départ de la seconde spéciale, et départ dans l’ordre d’arrivée de la précédente. Sur ma lancée, j’ai l’intention de continuer le forcing pour continuer ma progression. Mais surtout, on se retrouve à un petit groupe de 7 ou 8 motos, et tout le monde veut être le premier au prochain virage !! Forcément, ça fait des déçus !... Mais qui ne s’avouent jamais vaincus !... On se tape une arsouille de folie (dans tous les sens d’ailleurs), et je suis « vissé à bloc » pour ne rien lâcher. Avec les assistances qui se modernisent plus, les vitesses d’un Dakar ont monté aussi d’un cran. La mécanique devient plus fiable, et il faut vraiment être à fond partout pour ne pas se faire larguer. Je pars même en hors piste en parallèle pour essayer d’échapper à la poussière d’un quad qui soulève évidemment un nuage immense. Je peste d’ailleurs toujours contre ces quads qui à mon sens n’ont rien à faire au milieu des motos ; Ils devraient plutôt s’immiscer au milieu des voitures, ça semble plus logique aux motards, tellement la poussière qu’ils soulèvent nous handicape.
Les premières dunes arrivent, c’est un bonheur de piloter au milieu de ces espaces immenses et majestueux.
Sauf que sur un changement de cap au km 323, je pars trop à droite, et je ne trouve pas la piste que je suis sensé rejoindre. En hors piste, je jardine un peu, jusqu’à trouver des traces dans la vallée, mais ça ne correspond pas du tout à ma direction. Bref, je ne pose pas trop de questions, et je vois 2 motards qui partent dans ces traces. Je m’enquille donc derrière, bêtement. Après avoir passé 2 dunes, j’ai l’impression d’avoir déjà vu ça…. Et voilà que je me fais doubler par le Hummer de Gordon. Bizarre, je calcule qu’à ce rythme, soit il a coupé grave, soit je suis revenu sur une portion déjà effectuée !!! L’horreur. Je fais demi-tour, croise la Mini de Peter, et dans la vallée qui suit, je me remets à la recherche de mon dernier point connu, et recale mon road-book calmement ; tout comme il fallait faire dès le début en fait, mais on a toujours l’impression qu’on peut s’en sortir avec la chance de retrouver la bonne piste tout de suite….. J’ai quand même fait un décalage d’environ 2 kms trop à droite, faillait le faire !!! Trop bête, j’ai dû perdre environ 20 minutes dans ce cinéma ! Enervé, j’attaque sans arrêt sur tout, et essaie de refaire mon erreur. J’avale les dunes comme un zombie et je suis sur un rythme bien soutenu ; Je reviens sur plusieurs pilotes qui hésitent un peu. Très concentré, je finis cette étape composée de dunes comme si les difficultés n’existaient pas ! Je ne fais pas d’excès d’optimisme mais je suis hyper concentré dans mon pilotage et tout se passe bien, je passe les difficultés avec sérieux.
Arrivée par une descente aussi majestueuse que gigantesque (2,5 kms !!) sur le bivouac pour l’arrivée qui marque le début de la journée de repos. Je vais pouvoir souffler un peu ce soir ; Même si je ne me disperse pas. Je m’attaque dès ce soir au changement du kit chaîne et de la roue arrière.
Je prends le temps de bien manger et vais finalement me coucher de bonne heure ce soir ; Demain grosse journée consacrée à la mécanique (j’ai un joint spi de fourche à faire) et à la remise en état de ma 450 KTM pour une seconde partie qui s’annonce sur le même rythme…

Image

Etape 8 : Copiapo – Antofogasta / 722 km

On attaque la semaine par une liaison de 137 kms sur le goudron. On entre ensuite dans le vif du sujet avec des pistes de sable pleines de cailloux. Ca « résonne » dans les mains déjà crispées par les sollicitations sans cesse depuis 1 semaine. Les décors sont somptueux et on passe plusieurs cols style « Pike Peak » géants où je m’éclate sur ma moto qui prend des tours à n’en plus finir. Les descentes sont très techniques et le plaisir d’être là est évident. Tous ces franchissements de cols sont entrecoupés de passages plus ou moins en hors-piste dans des vallées géantes, et question décor, c’est carrément mieux qu’Hollywood ! Cette étape ne pose pas de problème particulier si ce n’est qu’elle est longue et qu’il ne faut pas faire d’erreur de navigation car les repères se ressemblent et il est difficile de retrouver la bonne piste. C’est avec une grande satisfaction que j’arrive à Antofagasta…. En effet, j’y pensais depuis un moment, … ce fût le bivouac de mon abandon sur casse mécanique en 2010. Je vais embrasser Nico le manager de SHERCO qui partage ma satisfaction ; Et Hugo avec qui je partageai la même douloureuse expérience d’abandon cette année maudite. Voilà, ça, c’est fait.


Etape 9 : Antofagasta – Iquique / 565 km

Ce matin, je suis un peu inquiet sur la liaison, j’ai du mal à respirer…. A chaque inspiration, mes côtes droites me font horriblement mal. Il faut que je me trouve des anti-douleurs sans trop alerter le staff médical pour qu’ils s’intéressent trop à mon cas….
2 spéciales au programme d’aujourd’hui : une première partie consacrée au remontées de canyons ; Prestigieux itinéraires dans un décor de rêve, mais tous ces rios pleins de sable et cailloux sont finalement ennuyeux, ça n’avance pas, on ne voit pas les kilomètres défiler. On passe encore dans des secteurs très humides, voire inondés et il faut être très vigilant pour ne pas aller se tanker dans des genres de « sables mouvants »….Ou en tous les cas, des portions de boue collante et que je sens « faire ventouse » ! Il vaut mieux prendre son temps à analyser doucement qu’aller s’y mettre bille en tête et perdre de précieuse minutes (heures ?)
La seconde spéciale est consacrée à de larges pistes de sable qui seraient amusantes si on n’avait pas tous ces kilomètres derrière nous. Sur la fin, on fait deux franchissements de cols très escarpés sur des petits sentiers plein de cailloux et avec des épingles si serrées qu’elles sont difficiles à négocier sans mettre le pied à terre. Et d’ailleurs, dans un virage en descente, je ne veux pas m’arrêter pour passer plus vite mais les cailloux sont trop gros, il s’agit d’une sorte de trial indoor (!!) Bing, gamelle, pas grave mais je me fais super mal à la paume de la main, le sol est truffé de petits cailloux saillants et coupants. Bon pas grave, on est bientôt arrivés. Je me demande vraiment comment vont faire les voitures et les camions là-dedans…
Arrivée sur Iquique avec la fameuse descente vertigineuse de sable « qui se jette » dans l’Océan Pacifique. Magnifique.

Image

Etape 10 : Iquique – Arica / 694 km

Aujourd’hui, c’est séance de surf ! Mais pas de celui que vous connaissez du côté de Roches Noires… On va encore bouffer du sable et encore du sable.
Le début de spéciale est une bonne partie de pistes sablonneuses mais globalement roulantes. Les problèmes arrivent avec les parties de fesh-fesh surprenantes, dans des endroits rapides, et dans lesquelles se cachent des cailloux de bonne taille qui peuvent, au mieux, vous stopper net et vous faire « goûter » à la « farine du désert ».
J’apprécie les portions de franchissements de petits cols où on a droit à des pistes plus rapides. En fin d’étape, alors qu’on quitte un plateau pour passer sur un autre, je pense voir proche la fin d’étape. Mais le gros souci, c’est qu’il s’agit de 25 à 30 kms d’un « monde de fesh-fesh » !! Du jamais vu, un plateau complet de fesh-fesh !! C’est épuisant, sans arrêt à progresser dans une piste horrible. Et même quand vous prend l’idée de faire du hors-piste pour y échapper, eh bien, pas d’bol, c’est aussi du fesh-fesh !! Dans une montée en courbe où je vois une moto bloquée, je décide de passer tout droit dans la montée directe, vierge, mais mauvaise pioche, je m’affale lamentablement dans un tapis de …. Fesh-fesh !! La moto a glissé sans à-coup tellement la couche est épaisse, et j’ai gardé les mains sur le guidon tant la glissage se fait en douceur, amortie par le tas de poussière. Atchoum, je suis repeint encore une fois de la tête aux pieds !! Je termine à l’arrachée, comme tout le monde je crois…

Image

Etape 11 : Arica – Arequipa / 705 km

Ce matin, seulement 90 kms de liaison sur piste, et on attaque une piste style Nord Maroc ; Et au kilométre 5, j’arrive sur une zone inondée avec un public monstre !! Effectivement, on a du spectacle : Je compte environ 7 ou 8 motos immobilisées avec les pilotes affairés autour, les motos ont déjà bu la tasse…. Gaffe au passage. Un Péruvien me conseille de détourner la trajectoire et d’aller chercher un autre bras de rivière 50 mètres plus loin. Je suis son indication, je descends de la moto et passe 3 bras de rivière successifs avec de l’eau qui effleure la selle. Surtout ne pas faire caler la moto et progresser doucement en prenant le feeling des roues sur les cailloux cachés par ce courant fort. Ca passe, ouf, j’ai échappé à la séance mécanique, et en début d’étape comme ça, rien de pire pour le moral. On enchaîne ensuite des gros secteurs de hors-piste avec toujours le même sable très mou, noir en surface, et ocre en profondeur. C’est épuisant et les petites sections de pistes qu’on récupère parfois sont un vrai soulagement, pour l’effort, et pour les recalages road-book en même temps ! En fin de première portion, nous entrons dans une gorge géante ma-gni-fique, on est vraiment au cinéma. On descend sur 300 mètres et on arrive sur une rio inondé de 30 mètres à passer…. Problème ! Le courant est si fort que je me dis « ok, on est vraiment sur le Dakar ! On ne voit des trucs comme ça qu’avec eux !! » Je me mets en amont de la moto (on ne sait jamais, si ça tourne mal, je lâche tout et je sauve ma peau !) et commence à prendre le bain ( !!). Ca ne se passe pas si mal, mais les premières voitures arrivent en même temps, et c’est Peter avec sa BMW MINI qui fait le forcing. Heureusement, je suis presque sorti d’affaire, et c’est sur la montée de berge inondée et très glissante qu’il vient me percuter sur l’arrière droit. Rien de grave, il est passé, et je n’ai pas été déséquilibré, mais vite, il ne fait pas bon rester là.
Ensuite, neutralisation de 130 kms, avant d’attaquer une deuxième spéciale de 255 kms. Nous repartons dans l’ordre d’arrivée de la première ; Et au moment de me présenter à mon heure au départ, le commissaire me lance « Roma dans sa BMW MINI, il part 10 secondes derrière toi. Tu y vas ou tu attends qu’il parte devant toi ?? - Haha, à ton avis ? ». Bien évidemment, partir 10 secondes devant serait une véritable erreur d’orgueil !! Je me ferais reprendre immanquablement dans les 20 secondes qui suivent, avec tous les risques et surtout tout le nuage de poussière qu’il dégage, je perdrais bien plus !! Je le laisse donc filer, et prends mon départ dès que le nuage de poussière est légèrement décalé, et c’est parti pour cette spéciale un peu plus roulante que la première, avec des sections de fesh-fesh qui stressent et « repeignent » les pilotes de la tête au pied !
Aujourd’hui, c’est « étape marathon », c’est-à-dire que notre bivouac n’est accessible qu’aux seuls motards. Ainsi, leurs assistances ne seront pas disponibles pour la mécanique. Nous aurons tous un seul camion qui apportera de l’huile à volonté, des bacs de récupération, des bombes d’entretien, du papier essuie-tout. Ainsi, j’ai prévu hier soir d’apporter un filtre à air de rechange fixé dans mon carénage. Pour les outils, j’ai tout sur la moto, pas de problème.
Nous sommes accueillis dans un stade de foot, c’est plutôt confortable, ça contraste avec le sable omniprésent des autres bivouacs. On nous donne à chacun un kit dans le plus pur style Péruvien, pour la nuit. Un poncho, un bonnet, un chapeau, des savates en pneu, un kit toilette et une couverture chaude. On s’installe comme on peut sous 2 tentes énormes dressées sur la pelouse, ce qui nous permettra d’éviter la rosée de la nuit.


Image

Etape 12 : Arequipa – Nasca / 504 km

2ème journée au Pérou. Cette étape comporte beaucoup de dunes, et c’est toujours un peu l’angoisse d’affronter des ergs où la navigation est toujours délicate et les pièges qui bouffent beaucoup d’énergie nombreux. D’autant plus qu’aux vérifs à Mar Del Plata, j’ai eu l’indiscrétion de Gaël ROBIC qui m’a glissé que « LA journée, c’est la 2ème du Pérou » !! Glups.
Ce matin, après la longue liaison, nous avons un peu de temps avant d’attaquer la spéciale, au point essence de l’orga. Ce qui accapare les conversations, c’est le duel psychologique que se livrent les 2 champions Desprès et Coma. Chacun évite consciencieusement de croiser l’autre, parfois l’un cherche l’autre du regard, le moment est intense. Ces 2 champions d’exception ne doivent négliger aucun détail pour gagner un tel événement ; Et la bataille se livre aussi parfois avant le duel des pistes. La tension est palpable. Au moment où ils sont appelés au départ, Cyril d’isole avec Ruben Faria et Marc Coma avec Johnny Aubert, chacun pour donner sans doute quelques consignes de course, ou de stratégie de journée je ne sais.
Après un hors piste en début d’étape, nous faisons une vingtaine de kilomètres sur la plage, gaz en grand mais avec toute la prudence qui s’impose car l’Océan envoie par moment des vagues qu’il faut à tout prix éviter ! On sort de la plage par une montée impossible ! Ben oui, il nous l’a fait ! Malgré qu’il nous ait prévenu la veille au briefing qu’il fallait s’attendre à tirer des bords dans la montée infernale, je m’applique mais il me faut m’y reprendre à 3 fois avant de grimper ! Beaucoup de pilotes ont coupé trop tard sur la plage et se retrouvent à faire hurler les moteurs dans une section impossible. De mon côté, après 2 essais, j’observe une trajectoire qui présente une petite rampe d’élan. Il ne faut surtout pas se louper, mais je m’applique (avec l’énergie du désespéré !) et je réussis à vaincre cette n-ième difficulté dans un cri de douleur d’un moteur qui demande grâce !! Ensuite, c’est une alternance de pistes rapides sablonneuses et de grosses sections de fesh-fesh en quasi hors-piste…. Ca commence vraiment à gaver tous les motards ce fesh-fesh !! David Castera nous a vraiment livré une overdose de ces parties très piégeuses et toujours difficiles à négocier. Ensuite, les 2/3 de l’étape se composent de sable, et jusqu’à un champ de dunes de plus de 20 kms, ça fait vraiment très très long…. Comme depuis 2 ou 3 jours, je me retrouve à rouler pas mal de temps avec Hugo (le désormais célèbre Nantais au numéro 69 !!) et Sébastien (Un Breton qui pour sa première participation, est un crack). Comme on a à peu près le même rythme, tout se passe plutôt bien ; on se perd de vue un moment quand l’un se plante, puis on se retrouve sur le plantage d’un autre etc, on se rassure de se retrouver de temps en temps, signe que nous sommes dans le bon tempo. Sauf qu’à un moment, nos notes ne correspondent plus du tout. Les caps ne vont pas, et si je suis mes notes, je vise l’Océan Pacifique sur ma gauche ; Impossible, la distance n’y est pas. Je me retrouve un moment avec Hugo, on échange nos points de vue,…. On est paumés !! Mais nous ne sommes pas les seuls, une quinzaine de motos croisent un peu dans tous les sens au large. Après avoir jardiné pendant 20 bonnes minutes, on est rejoint par Sébastien, et c’est Hugo qui a « l’étincelle » ! « Dans le goulet du km 200-203, on a pris tout droit au lieu d’une gorge qui partait sur le cap 40 ». Bon, on va essayer… On remonte à l’envers nos traces, très vite rejoints par une bonne dizaine de motos qui cherchent « quelqu’un à amarrer » !! Après encore quelques plantages et environ 15 mn, super, on retrouve exactement notre erreur, et on tombe sur Juan Garcia en panne au pied d’une dune. Bravo Hugo, j’avoue que j’aurais tourné encore un bon moment avant de m’y retrouver. Ensuite, vers les 20 kms de l’arrivée, on croise un petit chemin très empierré au milieu des dunes molles mais un peu plus petites. Je fais l’erreur de m’y mettre pour plus de facilité mais je ne colle pas au road-book. Sur un coup de fatigue, en essayant de faire demi-tour pour retrouver mon repère, la moto m’échappe et vient « embrasser » la paroi relevée de la piste. Je m’en veux car c’est une chute bête et j’ai bien déformé mon carénage. Mais la fatigue est sûrement en cause. Bon, je vérifie, tout tient en place, bien tordu au niveau des fixations, mais je peux finir comme ça, sans mécaniquer sur place. Je finis cette étape de sable calmement, mais j’ai laissé pas mal de temps dans cette affaire.
Ce soir au bivouac de Nasca, je vais encore solliciter LOCTITE pour refaire mon carénage !! Je redresse la pâte de fixation, à l’ancienne ( !), je change l’agrafe, je ponce à la lime, et après un nouveau perçage de fixation, on peut dire que j’ai réparé l’affaire sans trop temps laissé (moins d’une heure), c’est bien l’essentiel. Mais j’appréhende toujours la nuit, car je dors toujours aussi mal avec ces côtes qui ne me laisseront décidément jamais tranquille.


Etape 13 : Nasca – Pisco / 375 km

On passe sur des pistes style enduro très agréables mais dangereuses car elles comportent des effondrements sur les côtés. Ensuite c’est une succession de dunes plus ou moins hautes à passer mais qui ne posent pas de difficultés majeures, entrecoupées de secteurs de hors piste dangereux. Et justement, depuis 1 km, je « guette » un danger 3 à venir, une marche dangereuse sur un sommet ; Et bing, au moment où je vérifie, je vois arriver un petit sommet sans visibilité ; Je freine mollement, je pense que ça va passer à l’élan et « dans le style » (!!)… Malheureusement, il s’agit bien déjà du danger 3, mon trip était mal calé. Je me retrouve trop court dans une marche truffée de cailloux irréguliers sur un sol mou ; j’atterris de travers mais la moto renvoie sur la droite, impossible d’éviter 3 ou 4 gros cailloux qui m’envoient au tapis, sur le côté gauche ! Crac, malgré la protection du sabot et du réservoir conçus pour ça, les cailloux nombreux sont venus « chiffonner » mon carénage gauche. Bon, je m’estime heureux, la chute a été largement amortie par ma première embardée à droite ; Si j’avais eu un peu plus de chance, j’aurais pu passer « à travers tous ces cailloux » mais bon, j’ai bien réagi, et l’amortissement a limité grandement les dégâts. Je vérifie, la pâte de fixation inférieure est bien tordue, mais le carénage tient bon, et surtout, j’ai cette pièce en stock (!), je pourrai changer ce soir. Je m’en veux un peu quand même car j’ai eu un moment d’inattention, trop « occupé » à « passer » quelques mecs dans les petits franchissements, alors que sur ce terrain, la poussière n’est pas présente et handicapante. Ca n’arrangera pas ma douleur aux côtes…Du km 180 au km 200 où se situent les plus grosses difficultés de franchissements de la journée, je reste planté plusieurs fois (mais je ne suis pas le seul !!) dans des goulets. Après plusieurs chutes « sans raison », je comprends que je suis faible, même si je ne le ressens pas. Je coupe tout, je prends le temps de manger une barre et de boire au calme. Mieux vaut sacrifier 5 à 8 min que de se « sécher » à relever sans cesse la moto, ce qui bouffe énormément d’énergie. Ensuite, le problème, ce sont les grandes portions d’herbe à chameaux entre les ergs qui cassent les motards et les motos !! Infernal, du sable mou, et des touffes de végétation qui vous envoient en l’air, qui m’obligent à tirer sur le guidon en permanence, je suis crevé !
En fin d’étape, je croise des pilotes que je n’ai pas l’habitude de voir, plutôt dans le fond du classement, ça m’inquiète quand même, bien que je n’ai pas l’impression de m’être longtemps égaré… J’apprendrai plus tard qu’un bon paquet de concurrents ont loupé des Waypoints, c’est-à-dire des points de passage obligatoires, qui coûtent 20 ou 40 mn de pénalités à chacun manqué !! Bon, tout va bien pour moi. On termine les derniers 8 kms de l’étape sur une piste rapide bordée de monde. Comme souvent, je me sens encore bien en fin de journée, et « j’arsouille » véritablement, dans ce sentiment qu’il ne peut plus rien m’arriver !! Tant et si bien que je dépasse 4 motos, allant même jusqu’à passer sur un talus pour replonger sur la piste sans couper, euphorique ! Bon, gaffe quand même, cet état de grâce pourrait ne pas durer…. Mais quelle santé cette moto !

Image

Etape 14 : Pisco – Lima / 283 km

Même si ce ne sont que 33 kms, c’est une vraie dernière spéciale de Dakar, avec du fesh-fesh (jusqu’au bout David !!) et des dunes cassées. Bizarrement, ce qui n’est pas habituel, ce matin de Dimanche final, personne n’est totalement libéré… Déjà parce que n’importe quoi peut arriver ; et à fortiori sur une petite section qui ne laissera personne tranquille avant la ligne d’arrivée. Sur la liaison de 134 kms ce matin, ce qui frappe, comme depuis 4 à 5 jours, c’est la foule présente sur le bord ! J’exagère des fois, mais là, je peux vous garantir que l’événement Dakar captive tous les Péruviens et on ne compte plus le nombre de drapeaux Rouge et Blanc qui s’agitent. Tous les spectateurs vous demandent de vous arrêter pour se faire prendre an photo avec un véhicule ! Parfois à l’arrivée des villes, les feux rouges sont un vrai spectacle ! Les policiers pourtant fort nombreux sont dépassés par la foule qui veut un autographe, une photo, un regard etc, c’est de l’hystérie.
Pour cette spéciale, nous partons toutes les 30 secondes 2 par 2, autant dire que sur 30 kms, ça va labourer les pistes !! Mauvais point, j’ai négligé de bien préparer mes lunettes et j’aurais dû changer mon écran iridium pour cette portion où la poussière va lever en permanence. A l’arrivée des premières petites dunes, la poussière d’un quad passé depuis pas longtemps n’est pas encore retombée et je galère un peu à apprécier la profondeur et la teneur des descentes ; Résultat, je me fais doubler par 2 motos, et même si l’envie me prend, je reste calme et me dis qu’il peut arriver encore bien des choses…. On passe par une super descente de fesh-fesh (la dernière hein ?!!) et même des pistes entrecoupées dans des collines, ça se croise déjà !! Amusant de constater que même sur les 30 kms, des mecs vont se paumer ; Bon ok, pas longtemps. C’est plutôt la fête de mettre du gaz un peu n’importe comment que l’angoisse de se perdre !! Enfin la plage d’arrivée avec une longue succession de whoops géants et une clameur incroyable de la foule dense qui balise les derniers kilomètres.
Et voilà, la ligne d’arrivée de la spéciale est franchie… J’ai la chair de poule, la pression tombe et l’émotion monte. Tant de souvenirs, tant d’instants magiques, tant de souffrance, tant de folie humaine, tant d’intensité….. Et finalement tant d’émotions.
« Faire vibrer ceux qui partent, Faire rêver ceux qui restent » : la maxime est plus que jamais vérifiée.
Dernière liaison de 120 kms pour arriver sur le podium de remise des trophées sur la place d’armes à Lima, lieu de résidence du Président qui viendra nous saluer. Depuis ce matin, les ponts qui passent au dessus de la route de liaison sont envahis de Péruviens. Les abords de l’autoroute sont noirs de monde, c’est la folie. Dans le centre de Lima, difficile de vous décrire la ferveur populaire, au milieu des rues bloquées pour et par les spectateurs. Des kilomètres et des kilomètres d’ovation, la chaleur humaine des Péruviens fait plaisir à voir.
Sur le podium, je reçois la médaille du finisher (55ème au,scratch - 9ème Français) et surtout le trophée du vainqueur des pilotes « sans assistance » ! Du grandiose, je n’aurais osé l’imaginer, je suis comblé de bonheur. J’ai gagné la reconnaissance de tout le parc des concurrents. Je partage avec soulagement cette distinction avec l’ensemble des motards « sans assistance », Hugo, Pierre et Yannick. Nous sommes les 4 rescapés de cette catégorie « hors norme » et dans l’esprit original du Dakar.
Mise des motos en parc fermé, je suis ensuite littéralement « pris en charge » par 5 gardes du corps pour regagner un espace sécurisé ( !!) tellement les Péruviens sont enthousiastes, du délire je vous dis. Le relais est ensuite assuré par la Police avec les boucliers anti-émeutes !!
Bref, s’ensuivra les interviews et photos en tous genres, je me prendrais vite pour une star !! Une foule de radios, télévisions, journaux, veillent recueillir l’émotion et le récit « des guerriers qui portent le trophée » !! Je suis même reçu par Mr l’Ambassadeur de France au Pérou dans sa résidence de Lima qui, comme tous les Péruviens, est très enthousiaste par l’événement.
J’ai vécu le périple comme un défi permanent tous les jours, ralliant l’Atlantique au Pacifique dans une course de fous. Je suis aussi d’autant plus satisfait que j’ai réussi en motard seul, sans assistance, et que je n’ai pris aucune pénalité sur ces 2 semaines de course. Carton plein et mission accomplie.
Fin de l’histoire, je suis venu chercher l’impossible sur la plus dure course du monde ; Je suis comblé, et fier d’avoir vaincu.

Récit de Stéphane Hamard.



Image

À voir aussi... 📝

[Ultra-Trail] Ultra Norway Race, présentation 2024 et équipements obligatoires

[Ultra-Trail] Ultra Norway Race, présentation 2024 et équipements obligatoires

L’Ultra NORWAY Race est une course à pied de 140 km Non-Stop, seul ou par équipe de 2 personnes, en autosuffisance alimentaire avec 9000 mètres de dénivelé positif et négatif. Chaque concurrent doit porter son propre sac à dos contenant sa nourriture, ses équipements obligatoires et ses équipements personnels.

Les participants devront suivre impérativement le tracé GPS donné par l’organisation. Il existe des points de contrôle situés à intervalles réguliers : les deux membres de l’équipe doivent obligatoirement y être contrôlés ensemble.

[Raid] Oasis Raid 2024 c'est maintenant en live sur Owaka !

[Raid] Oasis Raid 2024 c'est maintenant en live sur Owaka !

Oasis Raid, c'est maintenant en live ! Oasis Raid est une aventure unique destinée à tous les publics d’âge légal, une façon différente du tourisme d’aventure. Vivez une authentique épreuve d’orientation motorisée qui honore les grands passages à des raids en Afrique. Pas besoin d'être mécanicien ou pilote, juste l'envie de vivre une expérience unique.

Voir toutes les actualités