Guyomarc’h : « Pour vivre le Dakar, il faut le finir »

Yannick Guyomarc’h a 36 ans. Ce père de famille, pompier de Paris, va disputer cette année son sixième Dakar. Il raconte ses galères d’amateur prêt à tout pour vivre son rêve.

Yannick Guyomarc’h, racontez-nous un peu comment vous avez bouclé votre budget ?
Comme je n’ai pas un énorme budget, je ne peux pas renier sur grand-chose. Les pneus, je les ai achetés sur internet à des pilotes qui ne les avaient pas utilisés. Ce sont des pneus neufs mais d’occasion. La tenue c’est celle de l’an dernier, la veste celle d’il y a deux ans. Pareil pour les bottes. Il faut trouver de nouveaux partenaires. Ceux qui étaient déjà avec moi sont restés. Certains ont doublé leur participation initiale. C’est ce qui me permet d’être au départ. J’ai bouclé le budget deux jours avant de partir.

Est-ce facile pour un amateur de boucler un budget pour un Dakar ?
On peut penser que c’est irréalisable. C’est entre 24 000 et 35 000 euros. C’est de l’assistance. Il faut rajouter entre 8000 et 15 000 euros. Globalement on parle d’un budget de 50 000 euros. C’est une somme ingérable pour le commun des mortels. Quand on se pose, c’est possible de faire un Dakar sans assistance. Il n’est pas obligatoire d’avoir une moto neuve. Alors, on fait des concessions sur le reste de l’année. Je ne me consacre qu’au Dakar et à aucune autre course. C’est un rêve.
Que représente le Dakar ?
Le Dakar pour moi, ce sont les vraies vacances. Quand je suis sur le Dakar, il n’y a plus rien d’autre. Ma préoccupation, c’est de bien manger, que ma moto soit en bon état, de ne pas me perdre, arriver le soir, de remettre en état la moto et de me remettre en état. Je n’ai pas le temps de penser à autre chose. Ce sont les vraies vacances. Le téléphone, on oublie.
Avez-vous un objectif sur la course ?
Je vis au quotidien. Je n’ai pas une tactique de course, je ne vise pas le classement. L’objectif n’est pas de finir mais de vivre le Dakar. Pour le vivre, il faut le finir. J’étudie mes étapes en regardant le terrain, mes tactiques de course en me disant que je vais attaquer ? Pas pour moi !
Il parait que vous avez reçu un cadeau pour ce Dakar ?
Très peu de temps avant d’avoir mon problème de budget, j’ai ouvert le moteur de ma machine de l’an passé. Il était pulvérisé. Ça remettait en cause ma participation car cela coûtait très cher et je n’étais pas sûr d’avoir les pièces. J’ai lancé quelques bouteilles à la mer. Le lundi matin, des amis m’ont écrit pour me proposer une KTM 690 Rallye, la moto faite pour ça. Ce sont des concurrents que j’avais rencontrés sur le Dakar et qui m’ont spontanément fait cette proposition.
Avez-vous une hantise de la chute ?
Sans assistance, il m’est quasiment interdit de chuter. Pas forcément par la crainte de se faire mal. La petite chute qui tord le guidon par exemple. Changer le guidon sur une telle machine c’est minimum deux heures de travail. Mais quand on dort quatre à six heures… Le Dakar c’est la spirale de l’échec. Il faut casser cette spirale.
Comment vivez-vous l’éloignement avec votre femme et vos enfants ?
Mon fils qui a 9 ans et ma fille de 7 ans comprennent maintenant. L’absence les marque mais ils ont l’inquiétude aussi. A la télé, ils comprennent quand ils entendent parler d’un accident. Il faut que je les rassure par rapport à ça. L’an passé, j’ai chuté et je me suis pressé de rentrer pour les appeler. Je ne voulais pas qu’ils me voient à la télé en train de pleurer de douleur.


Propos recueillis par Jérôme Sillon | RMC.fr | 25/12/20100